La pension à point.
Le ministre Bacquelaine veut la pension à points en 2025. Elle doit aider à maintenir les dépenses sous contrôle.
Daniel Bacquelaine (MR) veut avancer rapidement vers un système de pension à points. Pour le ministre, le dispositif doit être voté d’ici 2019 et entrer en vigueur en 2025. Il l’a annoncé lundi aux partenaires sociaux représentés au Comité national des pensions (CNP), en leur présentant sa note d’orientation. Pour lui, cette évolution est nécessaire : « En s’engageant dans cette réforme, la Belgique garantit aux générations futures un régime de pension soutenable sur le plan financier et social. Elle suit l’exemple de l’Allemagne et la Suède. »
Le ministre des Pensions n’a pas souhaité communiquer sa note « confidentielle ». « La Libre » se l’est néanmoins procurée. Elle comprend une série de questions adressées au CNP, dont les réponses baliseront la réforme. Elle s’accompagne d’une note plus complète, fruit d’une concertation entre l’administration, initialement opposée à la pension à points, et les experts qui conseillent le gouvernement. Que peut-on en retenir ?
Qu’est-ce que la pension à points ?
La note fournit une explication du système destinée aux citoyens : « En fonction de leur carrière, les citoyens obtiennent des droits qui sont exprimés en points; lorsqu’ils partent à la retraite, ces points sont convertis en une pension, sur la base d’une « valeur du point » (en euros). La valeur des points suit en principe la croissance des revenus moyens des actifs, de sorte que la pension des citoyens avec une « carrière normale » est dans une relation adéquate et stable avec le revenu des actifs dans la société ».
Pourquoi une pension à points ?
Elle doit apporter davantage de transparence pour le citoyen, qui doit pouvoir connaître les droits qu’il s’est constitués; ceux qui peuvent encore être constitués à l’avenir; et les éventuels changements de la législation et leur impact sur sa pension. Pour les finances publiques, le système présente l’avantage de garder les dépenses sous contrôle. Il doit permettre des adaptations en fonction du contexte économique et démographique.
Il y a un an, l’administration avait fait part de ses (très) grandes réserves sur la pension à points, un système qu’elle jugeait très coûteux et d’un intérêt limité. Elle rappelait que l’on venait d’investir 16 millions d’euros dans un nouveau système performant et transparent (mypension) et qu’il faudrait dépenser au moins 38 millions supplémentaires pour développer le système à points. Or, toutes les autres réformes des pensions voulues par le gouvernement (pension à temps partiel, meilleure valorisation des années de travail que des périodes assimilées,…) sont possibles dans le système actuel. Dans la foulée, le ministre Bacquelaine avait dit qu’il ne s’accrochait pas au système à points, du moment que l’on pouvait réaliser les autres réformes destinées à faire travailler les gens plus longtemps. Il semble qu’il a changé d’avis.
Comment calcule-t-on le montant de la pension ?
Lorsqu’une personne part à la retraite, on multiplie le nombre de points qu’elle a accumulés au cours de sa carrière par la valeur du point au moment de la prise de pension. La note propose que les évolutions dans la valeur du point s’opèrent sur la base de la moyenne mobile des revenus moyens (afin d’éviter des chocs soudains, par exemple une moyenne sur 5 ans) et que la valeur du point ne puisse jamais diminuer. En pratique, précisent les auteurs, il est improbable que, dans le régime des salariés, la valeur d’un point descende, vu que les rémunérations moyennes, normalement, augmentent. « Mais on peut également prévoir un mécanisme par lequel la valeur des points ne peut jamais baisser, mais qui puisse être gelé tout au plus pendant un certain nombre d’années, jusqu’à ce que soit atteint un rapport souhaitable avec la rémunération moyenne. » Ce dernier point, qui risque de nuire au pouvoir d’achat des retraités, pourrait cabrer les représentants des travailleurs.
Pensions minimales : les partenaires sociaux fâchés
A priori, le projet de loi qui doit être adopté ce mardi en commission des Affaires sociales de la Chambre devrait réjouir les bénéficiaires d’une pension minimale. En application de l’accord interprofessionnel (AIP) signé en janvier dernier par les employeurs et les syndicats, le montant de la pension minimale du régime des salariés est revu à la hausse à partir du 1er septembre prochain. Le montant de base augmente de 1,7 % pour les travailleurs qui ont une carrière incomplète, alors qu’il a été relevé d’1 % pour les carrières complètes. Ce faisant, souligne le ministre des Pensions Daniel Bacquelaine (MR), le montant de base, à partir duquel on calcule la pension, sera identique que l’on ait une carrière complète ou incomplète (13 240 € ou 10 500 € selon la situation familiale). Une mesure sociale qui s’ajoute à d’autres, qui font que le taux de pauvreté diminue chez les pensionnés, dit-il.
Mais alors que cette nouvelle semble positive, les partenaires sociaux sont très fâchés contre M. Bacquelaine. Car selon eux, le gouvernement Michel ne respecte pas son engagement de faire appliquer l’AIP tel quel. A plusieurs reprises, patrons et syndicats ont expliqué au ministre que son projet ne correspond pas à l’accord. Au nom du groupe des Dix, le top de la concertation sociale, le président de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) Bernard Gilliot a d’ailleurs pris la plume pour demander à M. Bacquelaine de modifier son projet. « Les textes soumis n’exécutent pas correctement l’accord, dans la mesure où la distinction entre pensions minimales pour une carrière complète et une carrière incomplète est expressément maintenue », écrivait-il dans son courrier du 23 mai.
Les femmes, premières victimes
En effet, si les montants de base sont identiques cette année, cette distinction ouvre la voie à une différenciation à l’avenir, au détriment des personnes qui n’ont pas une carrière complète. Ces travailleurs, qui n’ont pas nécessairement choisi de ne pas travailler toute leur carrière, bénéficieraient dès lors d’une pension inférieure. Premières concernées, les femmes qui ont sacrifié leur carrière pour leur famille.
Le 8 juin, lorsque le projet de loi a été abordé en première lecture en commission, plusieurs députés (de l’opposition mais aussi du CD&V) ont souligné que le ministre ne respectait pas la concertation sociale. M. Bacquelaine leur a rétorqué que « le projet de loi est bel et bien conforme à l’accord conclu avec les partenaires sociaux » et que « la réinstauration d’un seul montant de base […] ne se déduit pas de l’AIP en tant que tel ».
Le député écolo Georges Gilkinet dénonce cette « obstination ». « D’une part, le ministre ne respecte pas l’engagement du gouvernement de mettre en œuvre complètement l’AIP et prend le risque d’alimenter de nouveaux conflits sociaux. D ’autre part, il s’acharne à défendre des mesures qui désavantagent les femmes, déjà bénéficiaires des pensions les plus basses et de plus en plus menacées par le risque de pauvreté au moment de la pension. » L’Ecolo a dès lors déposé un amendement visant à réintroduire un seul montant de base, le calcul d’une pension minimale pour une carrière incomplète se faisant alors en proportion du montant de la pension minimale pour une carrière complète. On peut cependant douter que la « suédoise » le suivra.
Source : la DH.